En résumé, ce livre présente la genèse du film et la rencontre de certains de ses protagonistes. Tout au moins se présente-t-il comme tel car l’auteur en profite pour exposer ses opinions sur le monde du vin en général et sur certains acteurs, directs (vignerons, cavistes) ou indirects (restaurateurs), de ce domaine. Et c’est là que le bât blesse… car à vouloir mélanger les genres, le résultat devient parfois indigeste.
Développons.
Jonathan Nossiter aurait pu utiliser son matériau pour écrire trois ouvrages :
- « Dialogues avec les Vignerons »,
- « Les Adresses de JN »,
- et « Le Diktat des Gourous du Vin ».
« Dialogues avec les Vignerons » :
Pour la plupart, il s’agit de rencontres dans le cadre du tournage de « Mondovino » ou de dégustations en compagnie de vignerons et amis. JN expose sa quête d’un langage de description du vin accessible au profane, c’est-à-dire hors du jargon des « experts ». Malgré tout, c’est une quête un peu vide de sens car s’il se veut non- ou anti-élitiste, JN ne tarit pas d’éloges sur les stars inaccessibles, surtout au commun des mortels.
« Les Adresses de JN » :
Pour nous, gourmands impénitents, ce recueil a tout pour nous enchanter et nous avons eu l’occasion d’évoquer dans TlBCouF (notre blog) notre passage à La Cagouille suite à la lecture de « Le Gout et le Pouvoir ». Mais il ne s’agit pas seulement d’un catalogue d’adresses, bonnes ou mauvaises. JN s’en sert pour mettre en perspective certains aspects des relations entre restaurateurs, cavistes et monde du vin : cherté des vins au restaurant, accords mets/vins et leur mise en valeur, choix proposé par les cavistes, etc. Passons sur le coup de griffe contre l’Atelier de Joël Robuchon, aussi inexplicable que les jugements du guide du pneu... En revanche, les dialogues avec le responsable des achats de vins de Ducasse sont intéressants et malheureusement déplorables. En substance, le consommateur ne se rend pas au restaurant pour boire du vin et il est inutile de lui proposer de découvrir d’autres bouteilles que les sempiternels bordeaux. Nous ne pouvons évidemment pas adhérer à ce propos. Ceux qui nous connaissent savent que pour nous les mets et les vins sont indissociables et que les sommeliers ont certainement plus de plaisir à dialoguer avec les clients qu’à servir d’ouvre-bouteilles.
« Le Diktat des Gourous du Vin » :
Je ne connais pas JN, tout au moins pas comme on connaît un ami, son passé, son vécu. Aussi, je ne peux expliquer l’origine de sa diatribe contre :
- les experts-dégustateurs qui font la loi du marché (Parker, Bettane, la Revue du Vin de France),
- les winemakers planétaires qui veulent imposer un gout unique et standardisé du vin à la planète (à commencer par Michel Rolland, plus quelques autres),
- les hommes politiques néo-libéraux coupables d’encourager la mondialisation (Bush, Sarkosy, etc.).
A mettre ainsi tout le monde dans le même panier, on se demanderait presque s’il n’existerait pas un complot international visant à dicter à l’humanité ce qu’elle doit penser, faire et manger.
C’est malheureusement une vision extrêmement manichéenne, qui nous rappelle que JN, bien que citoyen du monde, est d’origine étatsunienne. S’il n’a pas tout à fait tort sur le fond en ce qui concerne le pouvoir des experts et l’uniformisation des gouts, la forme est tout à fait maladroite. Ceci expliquant certainement les levées de boucliers suite à la parution du livre.
JN a une belle plume mais au final, son propos ne nous convainc pas et nous laisse un sentiment mitigé. Sans rigueur et mesure, même un grand chef peut faire un plat indigeste.
François
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