Depuis hier, il s'est enrichi du mot folie. Non pas folie pathologique mais folie douce. En effet, comment décrire autrement la soirée d'hier ?
Éric et Jean-Paul sont deux passionnés, que dis-je, deux extra-terrestres. Tous deux ont constitué des caves qui en font rêver plus d'un (à commencer par nous...). Cependant, contrairement aux buveurs d'étiquettes et spéculateurs de tous poils, ils ont ce sens du partage qui ont font des convives et amis très précieux. Jugez plutôt :
Au sein du restaurant "Le Goût des Hôtes" (rue de Constantinople), ils avaient convié 12 amateurs passionnés, dont bien entendu nous étions, alléchés par un programme sujet à nombre de spéculations. Bouteilles de légende, millésimes mythiques, chacun y allait de son pronostic pythonisse.
Nous ne fûmes point déçus.
Je vous épargnerai une longue litanie (26 bouteilles...) en ne conservant ci-après que les commentaires les plus intéressants :
* Une robe ambrée, un vin perlant dans le verre. Un nez de rancio (cire/miel) évoluant sur l'orange confite puis la morille et le sucre cuit. Une bouche, perlante, s'épanouissant sur la puissance et la longueur. Dom Pérignon 1964.
* Une robe jaune/verte, très limpide. Le nez est expressif, légèrement boisé, floral/herbacé. L'attaque est vive, la bouche s'épanouit sur un équilibre rondeur/acidité. Muscadet Fief du Breil 1995 du Domaine de la Louveterie.
* Une robe ambrée claire. Le nez est très expressif, rose et fenouil, puis litchi/mangoustan. Aéré, il prend des notes d'épices anisées (carvi/cumin). L'attaque est souple, la bouche est un peu aqueuse mais présente des arômes très fins. Tout le monde s'accorde pour deviner un Gewurztraminer 1967 de Mosbach.
* Une robe or clair. Un nez expressif de truffe blanche. Une attaque franche, une bouche riche, équilibrée, longue sur la poire. Gwenola mise sur un sauvignon et gagne : Pouilly Fumé "Pur Sang" 1990 de Didier Dagueneau
* Une robe rubis foncé. Le nez est expressif, puissant : piment/poivre et champignon de Paris. Une pointe fugace de truffe à l'aération. La bouche est peu ample, tannique en finale. Des arômes un peu volatils, tabac, végétal. Chinon "Les Varennes du Grand Clos" 1989 de Charles Joguet.
* Une robe rubis. Un nez fin et expressif de piment doux/lacté, évoluant vers des notes florales puis de tabac. La bouche est fraîche, dominée par l'acidité. Chinon "Les Varennes du Grand Clos" 1989 de Charles Joguet en franc de pied.
L'exercice était très intéressant, les deux vins n'ayant que peu de points communs à la dégustation, et divise l'assemblée quant à leur préféré. Quoi qu'il en soit, les deux se sont montrés très beaux.
* Une robe évoluée. Un nez viandé, animal avec de la mûre. La bouche est fraîche, tannique. Nuits Saint Georges 1er Cru "Champs Perdrix" 1985 de Michelot (en magnum).
* Une robe évoluée. Un nez expressif. La bouche est policée, sans aspérités, sur des arômes de fruits. Château Haut-Bailly 1981 (en magnum). Il fut à nouveau à l'honneur pour le weekend pascal pour accompagner le traditionnel gigot.
* Une robe rubis clair, évoluée. La bouche est équilibrée, le vin fin et élégant sur des notes de tabac. Château Haut-Bailly 1962.
* Une robe or. Un nez de pétrole et d'hydrocarbures. "Hydrocarbures ?". "Ça s'écrit avec deux 't' comme dans cheval" (JP était en forme, comme à son habitude...). Riesling donc. La bouche est sucrée avec un bel équilibre acidité/rondeur. "Burg" 1990 de Marcel Deiss.
* Une robe or clair. Un nez d'"huître après l'Amoco Cadix" (Éric n'est pas en reste...). La bouche est élégante avec de la rondeur. Riesling Grand Cru Hengst, vendanges du 28/11/1979 de Jossmeyer .
* Une robe tuilée. Un nez expressif. Une bouche sur l'acidité et le rancio. Muté ? non, mais l'alcool en interpelle quelques'uns : "L'alcool ne tue pas les levures, l'alcool inhibe les levures". "Ça inhibe ta mère !" (Oliv : one point...). Une bouteille mythique : Coteaux du Layon 1947 du Château de Fesles.
Nous terminons par une trilogie de sauternais : Château Coutet 1975, Château Raymond-Lafon 1970 et Yquem 1991.
Que dire de plus ?
D'abord remercier chaleureusement les organisateurs en nous demandant comment nous pourrions bien leur rendre la pareille. Remercier également le maître des lieux qui a bien voulu accueillir toute une bande de bruyants fous furieux et nous préparer un menu de circonstance, à la fois délicieux et léger.
Si j'étais d'humeur philosophique, je dirais que c'est pour ce genre de soirée (entre autres) que la vie vaut la peine d'être vécue. Je me contenterai d'en garder un souvenir ému et expectatif.
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