Erik Orsenna (le célèbre académicien) et Paul Pontallier (Directeur, œnologue et vinificateur à Château Margaux) étaient tous deux invités au diner « les mots et le vin ».
Par un heureux hasard, j’étais assise à côté de Monsieur Pontallier que j’ai saoulé de questions pendant toute la soirée.
« Il était une fois Château Margaux »…
Dès le XIIème siècle, « la Mothe de Margaux » est connue, mais ne possède pas encore de vigne, mais cet oubli est vite réparé car les Anglais sont friands de vin de Bordeaux.
Dès le XVIIème siècle Château Margaux occupe 265 hectares (comme aujourd’hui).
Au XVIIIème siècle, le château emploie un visionnaire, le régisseur Berlon.
Il est le premier à vinifier séparément les raisins rouges et les raisins blancs; il exige que les raisins ne soient pas vendangés aux premières heures, «parce que les raisins sont couverts de rosée, et que s’ils sont cueillis le matin, leur couleur sera diluée et pâlie par l’excès d’humidité». Et Berlon comprend également l’importance des sols, il connaît déjà les meilleures parcelles.
La vinification moderne et l’influence du terroir se dessine…
Le terroir, est au cœur du discours de Paul Pontallier. Chez Margaux, la notion de terroir est très importante et seuls les meilleurs vins des meilleures parcelles entreront dans le grand vin. Contrairement au reste du Médoc, et donc grâce à ses terroirs, les cabernet-sauvignons de Margaux apportent finesse et velouté, alors que le Merlot donne du corps au vin.
Accords mets et vins autour de Château Margaux.
En attendant le diner et pendant l’arrivée des différents convives, nous dégustons un… Champagne, plus précisément le BSA de chez Diebolt-Valois qui nous semble un peu plus dosé que d’habitude. Nems de langoustine, gougères, croquants à la tomate et toasts au foie gras accompagnent l’apéritif.
Les choses sérieuses débutent avec Pavillon Blanc 2006. Composé exclusivement de Sauvignon blanc, le château produit environ 20000 bouteilles de ce divin nectar par an.
La fleur de pêcher et le mangoustan explosent au nez. Ce « bébé » est encore assez boisé, mais il a un équilibre et une structure acide / amer de haute volée. Seul, il est superbe. Avec les noix de Saint Jacques normandes en tartare d’algue, bouillon de poule au foie gras et gingembre, il explose.
Tel un caméléon, il prend la couleur du plat. Face à l’algue il récupère de la fraîcheur et de la minéralité avec une pointe iodée. Par contre, face à l’envahissant et aromatique bouillon, Pavillon Blanc prend du corps et ne se laisse pas envahir.
Le second vin servi se trouve être également le second vin du château : Pavillon Rouge 2004 (55-60% de Cabernet Sauvignon, 35% de Merlot, Petit Verdot et Cabernet Franc complètent l’encépagement).
Deux heures de carafage et une double décantation ont été nécessaires pour qu’il nous révèle des arômes gourmands de groseille, de prune noire et de rose. Malgré son jeune âge, les tanins sont fins et veloutés. Mais quel est le secret de ces tanins ? Paul (nous devenons presque intimes à force de le saouler de questions) me le révèle : « Lorsque les tanins sont tanniques, c’est un défaut. Le vrai mérite des tanins c’est de donner du corps sans être perçus. ». Philosophie à laquelle j’adhère immédiatement.
Pour ce vin, Eric Beaumard a voulu nous étonner avec un plat de légumes : Truffe noire du Tricastin, mousseline de topinambours, copeaux de canard séché et artichaut.
Malgré la finesse du vin, le plat manque de « patate ». Le vin et le plat se regardent plus qu’ils ne s’accompagnent… c’est ce que l’on pourrait appeler un accord « intellectuel ».
Il est maintenant temps de goûter LE grand vin : Château Margaux 1999.
Paul m’avoue qu’il a un petit faible pour ce millésime. Comme je le comprends… D’une grande complexité aromatique que la mûre domine, il commence à avoir des notes de tabac blond, de cuir (mélange équestre entre l’animal et le cuir du harnachement) et d’immortelle. Les 80% de Cabernet Sauvignon lui donnent de la finesse alors que les 20% de Merlot le structurent et lui apportent de la longueur.
Vin rouge et cabillaud : quel idée géniale, surtout lorsque ledit cabillaud est nacré et servi avec une sauce genevoise, du chou fondant au carvi et une nougatine de cèpe.
Ce plat me met dans un état proche de l’orgasme culinaire.
Erik Orsenna saluera la magnifiquement juste cuisson du cabillaud et résumera l’accord par ces mots : « Le vin laisse passer le cabillaud et continue au fil de l’eau tel un bateau ».
Un grand vin, c’est bien, mais deux, c’est mieux ! : Château Margaux 1989.
Ce vin est tellement complexe qu’il est quasi-impossible à décrire : Mûre ? Truffe ? Rose ? Cuir ? Et même beaucoup plus. Il fait encore très jeune, ce qui laisse présager un vieillissement très lent.
En bouche les tanins sont tellement fins qu’il en devient charnel. A noter, la pointe mentholée en fin de bouche qui rafraîchit le palais.
Accord quasi-classique avec une épaule d’agneau du Limousin fondante aux aromates (cuite 23 heures à basse température), asperges vertes, gnocchis de potirons et caillé de brebis.
Après les accords caméléon, intellectuel et étonnant, nous terminons la partie salée de ce diner par un accord classique.
Le vin, c'est 85% d'eau…
Avant de passer au sucré, Erik Orsenna intervient pour nous parler de … l’eau ! Après deux ans de voyages, de compilations d’interviews, de chiffres et de documents scientifiques, Erik Orsenna nous dresse un bilan de la ressource « eau » sur notre bonne vieille Terre. Le livre s’appelle « l’avenir de l’eau ». Erik Orsenna est aussi passionnant à écouter qu’à lire. Mais ne soyez pas trop inquiet, chers lecteurs, le vin n’est point oublier dans le livre … ne voulant pas tuer le suspens, je vous laisse le découvrir par vous-même.
Nous terminons par la touche sucrée, un Vienetta praliné et café, tout en légèreté et en finesse qui sera accompagné, pour ma part, d’un thé Darjeeling.
Gwenola