Après les nombreux apéritifs œnologiques vécus au Bar 228 (et relatés au fil du blog), nous étions plus qu'impatients de terminer l'année en beauté, en passant du Dali au Meurice, le restaurant gastronomique du palace éponyme.
Rendez-vous pris, nous nous présentons pour le diner à l'entrée du restaurant où nous sommes pris en main par l'accueillante équipe de salle. J'ai toujours l'impression d'être comme au spectacle dans cette salle splendide. Les tables extérieures sont orientées de telle façon qu'elles permettent aux convives d'observer le centre de la salle et le ballet qui s'y déroule.
Mais déjà nous nous plongeons dans la carte et là... c'est un quadrilogue (un dialogue à quatre, NDLR) qui s'instaure entre nous, le maitre d'hôtel et Nicolas Rebut, le chef sommelier, le tout étant de décider quels plats pour quels vins et réciproquement. Après un bon moment (qui parut certainement plus long aux cuisines qu'à nous), nous nous décidons à composer notre propre menu dégustation: deux demi-entrées, un poisson, une viande et un dessert. Commençons donc par le commencement...
Huitres Belon 00000 de chez Cadoret pimentées au chorizo, consommé pris de bœuf et melba au lard.
Le mélange huitre/bœuf ne nous est pas inconnu. Pas de surprise donc. En revanche, l'apport du chorizo est étonnant car il renverse les sensations. La chair de l'huitre devient viande et le consommé en gelée devient eau de mer en fondant, le tout dans un mélange de saveurs iodées et pimentées. Le lard de Colonnata, fine tranche translucide sur le toast melba, apporte croquant et moelleux.
Foie de canard iodé en pain de sucre, chutney de navets aux algues vinaigrées.
C'est un parallélépipède et non un pain qui arrive ensuite. Sous cette croute de sucre, le lobe de foie gras est protégé par une couche d'algue nori. Frustration immédiate, il repart en cuisine pour être escalopé et servi sur la chutney. Quand nous goutons enfin, quelle surprise ! La texture est là, moelleuse, mais les saveurs nous confondent à nouveau. A l'aveugle, qui penserait à du canard ? Grâce au nori, les saveurs iodées me font penser à celle du foie de lotte. C'est sublime. La chutney, outre la touche de sucre qui sied au foie gras, apporte également des arômes d'iode et d'agrumes.
Lors de la prise de commande, en proie aux affres du choix, une idée lumineuse jaillit dans mon esprit. M'adressant alors à Nicolas Rebut, je lui demande quel champagne serait à même d'accompagner les deux entrées iodées. L'hésitation du professionnel est de courte durée. Il nous propose le Selosse Brut 1998 (blanc de blancs). La robe du vin est dorée, le nez est fin, oscillant entre pomme cuite et poire et calva. En bouche, le caractère légèrement oxydatif est tempéré par une belle vivacité et une grande longueur.
Filets de sole en écailles de cèpes, fricassée d'artichauts aux feuilles vertes acidulées.
Au plaisir des yeux succède un plaisir au palais constitué de deux filets superposés, recouverts de fines tranches de cèpes. La chair du poisson est épaisse et ferme sous la dent. La cuisson a préservé sa tenue et ses saveurs "sauvages", tempérées par le moelleux du cèpe. Après la sophistication de la préparation du foie gras, c'est une sorte d'épure à la japonaise que nous prenons plaisir à déguster sans fin/faim.
Avec un tel plat, on chercherait un cavalier civilisé, un vin gentleman. De cet exercice, le Château Laville Haut-Brion 1990 s'en est tiré avec les honneurs. Une robe or clair, un nez encore peu évolué mais très complexe, avec des notes de cèdre, morille, fauve, truffe blanche, cédrat et fleur blanche (camomille ?). En bouche, c'est un vin racé, élégant de finesse, un gentleman. Heureux possesseurs de cette bouteille, ne vous précipitez cependant pas pour en profiter car elle vous donnera encore beaucoup de plaisir dans les années à venir.
Noix de ris de veau en écailles de châtaignes fraiches, Fregola Sarda à la truffe blanche d'Alba.
Automne oblige, les saveurs de sous-bois sont à l'honneur. Mais si la carte du Meurice fait la part belle aux gibiers (canard, perdreau, grouse ou lièvre), c'est le vin qui nous fait choisir ce plat en particulier. Le ris est traditionnellement blanchi puis la cuisson se termine sous la salamandre avec les écailles de châtaignes délicatement taillées à la mandoline. Le premier contact avec le plat est donc contrasté entre le croquant des écailles et le moelleux du ris. C'est ensuite une alliance de saveurs fortes/puissantes : châtaigne, ris et truffe blanche juste râpée à la sortie de la "boite magique". Pour lier le tout, la fregola, cuite comme un risotto, apporte un enrobage d'onctuosité.
Quel est donc ce vin qui nous décidât à choisir ce plat ? Il s'agit du Château Mission Haut-Brion 1967. A l'inverse du Laville, ce vin a atteint son apogée et entame son déclin. Le nez est splendide. Il exhale du tabac blond, du cèdre, de l'immortelle séchée et du sous-bois, trompette et truffe noire. La bouche est plutôt courte mais encore plaisante, dans laquelle on retrouve le coté fumé de Pessac.
La relative simplicité du plat permet de ne pas écraser le vin qui retrouve du fruit, pour un mariage empreint de sérénité.
(Toutes mes excuses quant à la qualité du cliché, l'étiquette étant passablement passée, l'appareil n'a pas réussi à faire correctement le point ...)
Impasse faite sur le fromage, nous passons aux dessert. Ma Comtesse, espiègle comme toujours, donne carte blanche à Camille (Lesecq). Pour un mystère, ce sont des Mystères de poires... en quatre services.
A gauche, Poire rôtie, glace vanille, croustillant à la noix, parsemée de fève tonka râpée. A droite, Chiboust de poire, Crème de poire, Poire Belle-Hélène revisitée (poire, glace vanille, feuilleté chocolat et sauce chocolat).
Je choisis les Calissons de mangue à l'amande douce, boule glacée. La seule vue de l'assiette me met en joie. La mangue est ferme et mure à la fois et la meringue qui la surmonte est fondante et parfumée à l'amande. Dans la boule de meringue, une glace à l'amande douce. Tout le plaisir du calisson avec plus de légèreté et moins de sucre.
Pour terminer (s'il en était besoin) en apothéose, Nicolas Rebut me propose de gouter une de ses dernières acquisitions : une Chartreuse Tarragone jaune 1972. Le nez est fin et complexe, très chartreuse, épines de sapin, cire d'abeille. En bouche, il se dégage une impression de plénitude et une très grande longueur avec une persistance aromatique très complexe (macis, ...).
En espérant qu'il nous lisent, nous adressons nos remerciements chaleureux à toute l'équipe du restaurant, à Nicolas et Estelle, et aux magiciens créateurs, Yannick Alléno et Camille Lesecq, pour ce moment de bonheur.
François
2 commentaires:
C'est en effet ce qu'on appelle "terminer l'année en beauté" !
Parfois j'aimerais être une petite souris et venir grignoter dans vos assiettes et boire dans vos vins... Mais je ne pense pas que ce soit des petites bêtes qu'on trouve au restaurant gastronomique du Meurice ;)
Au plaisir de vous revoir.
Miaaam, encore un CR qui met l'eau à la bouche!
Merci
Gautier
Enregistrer un commentaire