En mars, on sait ce qui se passe ! Nous fêtons l'anniversaire de ma Comtesse.
Comme toujours, je garde secret le lieu des réjouissances et c'est en vain qu'elle essaye de m'extorquer des indices.
Cette année, j'ai décidé de l'emmener en Bourgogne, pour une promenade culturelle, à la rencontre d'un chef d'œuvre de la chrétienté, et gastronomique, dans un lieu où se mêlent histoire et modernité.
Direction Sud-Est, par l'autoroute A6. Le soleil levant salue notre départ. La route est dégagée en ce jour de semaine et nous arrivons bientôt aux portes du Morvan, où les premières plaques de neige nous accueillent.
Oui, cela s'appelle l'effet pas-de-bol. Il a neigé la veille et je croise les doigts/prie Marie-Madeleine que la météo en restera là, la perspective de rester bloqués dans la forêt morvandelle ne m'enchantant guère...
Je ne sais si la Sainte a exaucé mes prières mais nous arrivons sans encombres à Vézelay. Sur la butte, la basilique résiste vaillamment à la bise, contrairement à nous qui nous y réfugions rapidement.
Superbe exemple d'architecte romane, complété par un chœur gothique primitif, il est remarquable par la grande clarté de la nef et de son ensemble de sculptures romanes qui ornent les tympans du narthex et les chapiteaux de la nef.
Frigorifiés et néanmoins éblouis, nous terminons notre visite à l'heure de l'office.
Sur les conseils d'un autochtone, nous nous enfonçons dans le Morvan en direction de Quarré-les-Tombes. Par endroits la route est à peine dégagée mais nous parvenons néanmoins à destination. Là, autour de l'église, sous une belle couche de neige, sont exposés cent douze éléments de sarcophages (soixante-six couvercles et quarante-six cuves) en pierre calcaire. On ignore la date exacte de leur découverte. De même leur présence donne lieu à conjectures : ont-ils été fabriqués sur place ou sont-ils les vestiges d'une nécropole ?
Après un bref passage chez le chocolatier local, nous repartons vers la destination finale où nous devons célébrer l'anniversaire de ma Comtesse : Saulieu.
C'est alors que Bidule, notre facétieux GPS, nous indique une route qui ne déparerait pas dans un paysage du Revermont. Bordée d'arbres, elle est totalement recouverte par la neige... Bravant l'adversité, j'engage notre véhicule germanique sur la poudreuse heureusement peu profonde. C'est donc à un train de sénateur que nous parcourons une dizaine de kilomètres avant de retrouver le bitume nu. Une promenade fort agréable au demeurant, que ma chère mère aurait très certainement appréciée (private joke) au cours de laquelle nous ne croiserons qu'un courageux VTTiste.
Arrivés à Saulieu, Ma Comtesse découvre enfin (si elle ne l'avait pas encore deviné) l'endroit tant attendu : La Côte d'Or, rebaptisé Relais Bernard Loiseau. Je parlais d'un lieu mêlant histoire et modernité. L'histoire commence avec Alexandre Dumaine, l'égal de Fernand Point et d'André Pic, dont les établissements sont les étapes incontournables sur la route de la Méditerranée. Elle se prolonge avec Bernard Loiseau qui arrive à la Côte d'Or en 1975 et en devient propriétaire en 1982. L'époque moderne, c'est celle de Patrick Bertron, le fidèle second de Bernard Loiseau, qui, à la mort de ce dernier en 2003, reprend le flambeau et crée son univers culinaire tout en perpétuant celui de son mentor.
Grâce à un timing serré, nous arrivons juste à temps pour que ma Comtesse puisse profiter de son premier cadeau : un soin au spa. Pendant qu'elle se fait chouchouter, je m'installe dans notre chambre. Boiseries et tomettes, feu dans la cheminée, elle dégage une très agréable impression de confort rustique.
Après une tasse de thé et un peu de repos, nous sommes prêts à rejoindre la salle du restaurant. Nous admirons le jardin sous la neige et un magnifique tableau de Bernard Buffet (pourquoi ne l'ai-je pas photographié ????). Arrive la carte. D'un côté les créations de Patrick Bertron, de l'autre les classiques de Bernard Loiseau. Cruel dilemme !!! Si les derniers sont évidemment tentants pour les néophytes de Bernard Loiseau que nous sommes, les premières nous permettraient d'évaluer le niveau actuel du restaurant. Anniversaire oblige, ma Comtesse choisit sans états d'âme les plats contemporains. Pour ma part, je commande un menu mixte.
Départ en douceur avec la crème et chips de topinambours, tout en onctuosité. Curieusement les chips de topinambours ont un gout aillé.
Coquillages et racines de persil à l’étuvée, jus marinière au beurre noisette. Beaucoup de simplicité mais des saveurs franches et évidentes, Saint-Jacques, ormeaux, huitres et couteaux.
Huîtres plates sur un palet de navet et pomme, granité de Pouilly-Fuissé à la cardamone noire. Les huitres sont bien charnues et résistent au croquant du navet et de la pomme.
Pavé de bar côtier étuvé à la Cancalaise,
asperges vertes panées à la laitue de mer et bouillon à l’infusion de roquette. Sous la roquette une huitre, sous l'huitre le filet de bar et sous le bar une brunoise d'asperges vertes. Un plat plutôt épuré et contrasté en saveurs et textures. L'accord poisson et asperge, peu évident de prime abord, se révèle grandissime. L'accord avec le vin de fait sur les notes végétales. L'asperge panée, à tremper dans le bouillon, est un délice. Vous l'avez compris, j'aime beaucoup.
Pour ces entrées marines, nous avons choisi non pas un bourgogne mais un Pouilly-Fumé, le Clos du Calvaire 2004 de Didier Dagueneau. Un premier nez de réglisse qui s'ouvre sur un sauvignon puissant (buis/agrumes). L'impression de puissance se confirme en bouche. L'équilibre est acide/amer, avec une acidité saline et une belle longueur. Une bouche également très aromatique avec du cassis très fin. En bref, c'est du lourd et j'ai presque peur qu'il n'emporte tout sur son passage mais au final tout va bien.
Filet de charolais cuit au foin en croûte d’argile, toast de moelle glacée au vin. La pièce de bœuf est présentée dans sa gangue d'argile, puis découverte, enveloppée d'une gaze et d'aromates. Une fois dressée avec les petits légumes et son toast à la moelle, elle est tout de suite plus appétissante. La viande est très goutue.
Sandre à la peau croustillante et fondue d’échalote, sauce au vin rouge. Un des classiques de Bernard Loiseau. Un pavé de sandre, une fondue d'échalotes compotées et une réduction de vin rouge. Peut-on faire plus faussement simple ? L'heure n'est pas à la philosophie. L'ensemble est tout bonnement superbe. La cuisson "poussée" du sandre lui donne de la tenue face à la compote d'échalote, l'acidité de la sauce réveille le plat en contrepoint des échalotes quasi sucrées. Dire que je me régale est un euphémisme...
Pour ces plats "rouges", la cave nous a fourni un Volnay Clos des Chênes 1998 de Michel Lafarge. Un très beau pinot noir, prêt à boire mais avec encore de belles années devant lui. S'il est parfaitement à l'aise avec le bœuf, il n'est pas déstabilisé par le sucre des échalotes, le rappel étant fourni par la sauce.
Le pré-dessert accompagné de quelques mignardises : Ananas au poivre blanc, granité citron vert, émulsion ananas/estragon; macaron verveine/mandarine; financier chocolat; cube estragon/griottine; toast chocolat blanc/myrtille; tarte sablée vanille/gingembre/citron confit; tuile amande.
Croquant de mangue au safran et à la rose, mousse légère au poivre vert de Sechuan.
Autre classique de Bernard Loiseau, la Rose des sables à la glace pur chocolat et coulis d’orange confite. Que dire...? Encore une composition épurée. Une alternance de quenelles de glace et de tuiles au chocolat arachnéennes, entourée de coulis. Que dire... ??? C'est le bouquet final qui ferait presque oublier le reste du feu d'artifice. A la finesse de la tuile répond la puissance de la glace. Le coulis, tout aussi puissant, adoucit néanmoins l'amertume du chocolat. C'est grand, c'est très grand. Chapeau bas, Monsieur Loiseau.
Que peut-on conclure de cette expérience ? Indiscutablement, Bernard Loiseau a marqué le paysage culinaire français et les classiques qui figurent à la carte sont là pour nous le rappeler. Le mérite de Patrick Bertron est d'avoir su maintenir et s'approprier cet héritage afin de composer sa propre carte tout aussi digne des 3 étoiles qu'arbore le Relais Bernard Loiseau. Félicitons également Dominique Loiseau pour l'accueil et la perfection du service de son établissement.
Seul bémol, les vins sont facturés à des tarifs prohibitifs. On s'attendrait à les trouver à ces prix dans les palaces parisiens mais pas en province.
Vous l'avez compris, c'est une étape incontournable de tout séjour en Bourgogne. N'ayez pas peur de commander le petit déjeuner morvandiau. Il recèle des douceurs irrésistibles comme le nectar de cassis, le gateau de semoule à la manière d'une bouillie, les confitures maison...
François
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