Impossible de passer dans la région, et à fortiori à Arbois, sans un dîner à la Maison Jeunet.
Pendant (presque) trois décennies, Jean-Paul Jeunet fut le porte-étendard de la gastronomie jurassienne, récompensé par deux macarons pneumatiques en 1996. En 2016, il prit sa retraite et laissa les rênes de son établissement à son second depuis 8 ans, Steven Naessens.
Comme en pareil cas, les questions se posent : cuisine hagiographique ou œdipienne ? célébration des plats du maître ou révolution de(s) palais ?
On serait tenté de répondre, ni l'un, ni l'autre, car ce qui transparaît dans la cuisine de Steven, et qui faisait la force de Jean-Paul (et avant lui de son père André), c'est le terroir du Jura et ses produits. On trouve donc ici des fondamentaux et une grande créativité pour mettre ces fameux produits en valeur et proposer une cuisine très contemporaine.
Une bouchée riche à la croûte fine et au jus goûteux. Elle est bien équilibrée par la fraîcheur du Crémant du Jura rosé du Domaine Pignier. Un nez de fruits rouges, nature, tout comme la bouche, tannique et équilibrée par l'acidité. Bien/Bien+
Nous choisissons le menu intitulé Le Point d’Équilibre, en six plats, fromages compris. Pour l'accompagner, l'Arbois Savagnin 2007 du Domaine de la Pinte, évidemment ouillé pour ne pas déplaire à ma Comtesse. Un nez floral et fruité. Une bouche très complexe, légèrement boisée avec beaucoup d'acidité légèrement saline. Très Bien
Une explosion de saveurs. Une entrée à l'évidence d'inspiration nordique, très cohérente dans ses accords. Beaucoup de fraîcheur et d'élégance. Une belle entrée en matière.
Les papilles sont bousculées mais dans le bon sens. La réglisse est là en fin de bouche pour donner de la longueur aux saveurs. C'est encore très cohérent malgré des accords improbables.
Le mode d'emploi de ce plat est très simple : toast + céleri + lotte + jus de persil + combawa = c'est top ! C'est le plat le plus abouti du menu, un très grand plat.
La cuisse est confite, le cou farci aux abats. La cuisson est plus que rosée. Le jeune poireau est presque sucré et le jus à la gaudes est une tuerie. L'accord poireau/basilic est top.
C'est le plat le plus classique du menu, le poireau apporte de la fraîcheur pour équilibrer la richesse de la viande et du jus.
Caprice de ma Comtesse pour l'accord, le Côte-Rôtie 2010 du Domaine Jamet. Une bouche très sérieuse. Le vin est entre deux, il commence à évoluer sur les arômes secondaires. Bel équilibre entre acidité et tannins. Très Bien/Très Bien+
Pas de fromages, et à fortiori pas de fromages à pâte pressée cuite, sans verre(s) de vin. Jura et Comté oblige, on va faire dans le local avec l'Etoile Vin Jaune 2009 du Domaine de Montbourgeau. Plaisir solitaire car ma Comtesse est (comme toujours) rebutée par le nez.
Constatant son aversion, l'excellent sommelier de la maison décide de comprendre ce qui la rebute tant. Il met alors en parallèle deux vins d'un même domaine : L'Etoile 2013 (Chardonnay) et L'Etoile 2012 (Savagnin) du Domaine de Montbourgeau, tous deux bien typés. A l'évidence, le problème n'est pas le cépage mais bien l'éthanal.
En guise de pré-dessert, une petite douceur fraîche et légère, bien dosée en arômes et saveurs. Très bel équilibre.
Un rouleau de rhubarbe frais et acidulé mais pas trop. Un dessert léger, parfait pour finir le repas.
De la fraise déclinée en tartare, glace avec une touche d'estragon (topissime !), confite et en sirop. Un peu de sarrasin pour le croquant. C'est frais et gourmand.
La cuisine de la Maison Jeunet est finalement très consensuelle dans sa créativité car elle permet aux tenants du classicisme, du terroirisme et de la modernité de trouver des marqueurs rassurants. Steven et toute son équipe sont sur de bons rails pour porter haut les couleurs jurassiennes et ses deux macarons pour les trois décennies à venir.
François
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