Il est des noms qui, dans l'histoire de la gastronomie française et parisienne, marquent de leur empreinte notre mémoire collective : Lasserre, La Tour d'Argent, Le Grand Véfour, Taillevent... Des histoires de familles de restaurateurs et de chefs inoubliables : Terrail, Vrinat, Oliver...
Taillevent est un des points communs qui nous unit, ma Comtesse et moi. Jusqu'à ce jour, nous y étions allés mais séparément. Mon père et moi y avons fêté un diplôme sous l'ère de Claude Deligne. Ma Comtesse y est allée sous celle de Philippe Legendre. Aujourd'hui, c'est David Bizet qui est en charge des cuisines de l'institution.
Anniversaire de ma Comtesse oblige (ou pas), Champagne !
Tant pis pour le cliché, elle choisit le rosé Solessence de Sélèque. Un rosé au nez expressif et à la bouche dominée par le Chardonnay qui m'évoque un peu le style de la Cuvée Alexandra de Laurent-Perrier. Pour moi, le cuvée Pure Extra-Brut de Pol Roger. Bien qu'il s'agisse d'un assemblage à part égales de Chardonnay, Meunier et Pinot Noir, le style est celui d'un Blanc de Blancs, très vif et droit, pur dans son expression aromatique.
Nous avons ainsi tout le temps de compulser l'épais livre de cave pour résoudre l'épineux problème de l'accord avec notre menu, le menu Quintessence en six services.
Tarte aux deux foies blonds
Brouillade d’œufs et de champignons au pain noir
Bouchée au parmesan, écume de champagne
Des petites bouchées chaudes pour se mettre en palais. Un parmesan liquide puissant, une brouillade gourmande et une tarte sans surprise mais gouteuse.
La betterave est croquante, une belle acidité et un fumé bien présent. Un joli terre-mer en guise d'amuse-bouche.
Pour nos deux premières entrées, nous choisissons le Meursault 2007 de Coche-Dury. Une très belle bouche, riche et vive, d'une grande longueur. Un très beau vin sans une once d'oxydation.
Posée sur les algues en sucré-salé au citron caviar, la langoustine crue, ultra-fraiche, est surmontée de caviar Schrencki puis mouillée d'un consommé de langoustine et agrémentée d'une quenelle de crème à la noisette et langoustine. En combinant tous les éléments, c'est une bouchée moelleuse (la chair et la crème), iodée (algues et caviar) et très gouteuse (le consommé) qui se développe entre la langue et le palais. De la finesse, de l'élégance et de la gourmandise. C'est très beau.
Une très jolie construction de poireau servi froid, surmonté d’œuf mimosa et de champignon émincé. Le jus est une vinaigrette chaude au miel, truffe, Jerez et olive. Le chaud-froid est superbe, relevé par les notes végétales puissantes du condiment olive et truffe. C'est avec ces notes que le Meursault s'accorde le mieux.
Là encore, une belle construction, pensée à la façon d'un lièvre à la Royale, de rouget confit au thym et romarin, surmontée de butternut et de crispy de Saint-Jacques. Le jus est une réduction d'arêtes et de vin rouge, bien corsée. Le rouget confit est moelleux et bien relevé par la sauce. Pain indispensable pour saucer jusqu'à la dernière goutte.
Pour faire la transition avant le second plat, c'est un accord osé qui nous est proposé avec le Margaux Château Brane-Cantenac 1966. Un nez d'immortelle net et précis et une bouche de Cabernet avec une belle acidité. Une belle finale sur l'immortelle. Après quelques minutes, il reprend de la matière et une superbe note de piment fumé. L'accord avec le rouget est certes osé mais très beau.
Un moelleux magnifique, une purée d'olives noires topissime et un beau jus de pigeon font de ce plat un grand plat, très gourmand.
Le Barbera d'Alba 1998 des Poderi Aldo Conterno a un nez expressif et très complexe de fruits rouges et noirs (prunelle). La belle acidité en bouche vient relever le palais face au jus corsé du pigeon.
Du frais et du léger avec ces agrumes et ces sorbets aux herbes fraîches.
Une très gentille attention de la part de l'équipe de salle pour ma Comtesse avec ce Sauternes Chateau Filhot 1970. Le nez est sublime et la bouche présente un superbe équilibre entre acidité et sucrosité. Quelle jeunesse !
Allergies obligent, ma Comtesse a droit à un dessert personnalisé. Du croustillant et des saveurs très marquées, torréfiées et tourbées.
Du moelleux, du croquant et un sorbet à l'acidité presque mordante mais bienvenue pour donner du peps aux saveurs noisettées.
Pour notre premier Taillevent en commun, c'est une expérience probante et fort agréable, tant dans l'assiette qu'en salle. Nous forgeons l'espoir que le guide pneumatique recouvrira ses esprits, fourvoyés dans les méandres du Fooding, et accordera à Taillevent les deux, voire trois macarons qu'il mérite.
François
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