Il y a du nouveau au Saint James Paris.
Après quelques travaux de réaménagement et décoration, le restaurant Bellefeuille accueille un nouveau chef en la personne de Julien Dumas, ex-chef de Lucas-Carton. Quand, par curiosité, j'ai jeté un coup d’œil à la carte, mon sang n'a fait qu'un tour : "Il faut absolument y aller !". De plus, l'occasion était toute trouvée : une Saint-Sylvestre bis, pour nous consoler d'une soirée, certes fêtée en couple, mais placée sous un épée de Damoclès appelée suivi de production de fin d'année.
Nous voilà donc sur notre 31 (décembre !), déposés par Cousin Ub à l'entrée de l'ancien hôtel particulier d'Adolphe Thiers et dont il nous faudra un de ces (beaux) jours profiter du jardin et de sa terrasse. L'intérieur, toujours aussi imposant mais pas écrasant, a pris un coup de frais qui rend les lieux plus aérés et plus confortables.
Nous faisons ensuite connaissance avec Pilou, le chat, confortablement installé dans sa jardinière et qui n'est nullement dérangé par les convives qui l'entourent.
La réputation du bar n'est plus à faire et nous prenons l'apéritif avec un Spritz maison pour ma Comtesse, additionné de pamplemousse et où le tonic remplace le prosecco. Pour ma part, je déguste un Garden Party : Bourbon, citron vert, sirop d'agave et bitter barbecue. Deux belle réalisations.
J'avoue égoïstement que mon idée était de partir sur le menu dégustation en 9 services. Ma Comtesse, louée soit-elle, m'a suivi sans réserve aucune.
Premiers amuse-bouches (de bas en haut): Amande de mer, mayonnaise, criste marine et citron caviar. Pomme dauphine, farcie d'un tartare d'algue, et algue nori frite.
Seconds amuse-bouches (de gauche à droite): Tuile de sarrasin, crème de lait Ribot, andouille de Guéméné. Crème de cardon, oseille, olive verte et huile d'olive maturée. D'un côté, une galette en une bouchée. De l'autre, une bouchée de verdure à l'amertume maitrisée.
Pour notre menu, nous nous laissons guider par François Le Boulanger, le Chef Sommelier. Une fois n'est pas coutume, nous buvons bordelais avec le Pessac-Léognan blanc "L'Abeille de Fieuzal" 2019. Un nez de Sauvignon (55%) et un boisé léger, élégant. Une attaque en bouche vive, vite domptée par la rondeur du Sémillon (45%). Un bel équilibre et un vin qui va se montrer à l'aise avec la plupart des plats du menu.
Topinambour du potager, sauce topinambour façon beurre blanc, praliné à la noisette torréfiée, tuile de topinambour... et truffe noire !! C'est une entrée tout en saveurs automnales. Le praliné non sucré renforce le côté sous-bois et s'accorde parfaitement avec la truffe.
Omble Chevalier confit à basse température, siphon de pin Douglas, brunoise de gingembre et d'omble. Le poisson est superbement fondant. Beaucoup de douceur, pimpée par le gingembre.
Mais avant de déguster, il faut commencer par la bouchée de peau d'omble, mousse d'omble fumé, crème de sapin et œufs d'omble. Un résumé qui claque en bouche.
Huitre, betterave, mizuna, condiment moutarde/raifort. Des saveurs très tranchées : iode, sucre, amertume et puissance du condiment. Une bouchée surprenante, un parti pris de bousculer les papilles. On adhère ou pas. Nous adhérons !
Le plat signature du Chef. Tourteau, étrilles, pamplemousse, nage de coquillages (crevettes bouquet, ormeaux, coques), siphon de crème de soupe de poisson, poudre d'algue.
WAOW !! Fermez les yeux... vous êtes sur la plage, à marée basse, en pleine pêche à pied... C'est un shot d'iode. Chaque bouchée apporte une saveur et une texture différente qui vous ramène sur le sable, comme la vague, irrésolue... C'est une merveille.
Crème laitue de mer/pistache, Saint Jacques de plongée, gel de citron, cavier, capucine, écume des barbes, poudre algue/pistache. Nous pensions avoir touché au sublime avec le plat précédent. Que nenni !!
Il y a dans ce plat un équilibre qui tutoie la perfection. Une harmonie de saveurs qui commence par l'accord entre iode et pistache, surprenant de justesse. Des produits d'exception, eux aussi justement dosés. La perfection, vous dis-je !
Sole, chataigne fumée, beurre blanc, poudre d'ail noir confit. Là encore, un plat faussement simple. Le poisson est parfaitement cuit, légèrement ferme sous le couteau. Un terre-mer réussi.
Poularde, tuile de céréales, céleri, échalote, jus réduit et crème de céréales torréfiées. Un peu de douceur dans ce monde de saveurs brutes. La volaille est très moelleuse, gentiment relevée par les différents condiments. C'est très réconfortant et reposant après les explosions de saveurs précédentes.
Chevreuil de Sologne, salade Trévise, crème de noyau de prunelle, purée de prunelle sauvage, tuile de figatelle, rouleau de betterave, sauce poivrade. Bon, l'accord gibier/fruits rouges, c'est un grand classique. Mais la saveur du noyau de prunelle apporte à ce plat de l'élégance et de la légèreté.
Pour ce plat, le Pessac ne convient absolument pas. Il lui faut plus de corps et une couleur plus prononcée. C'est chose faite (à l'aveugle !) avec le Côtes de Provence "La Grande Pièce" 2015 du Chateau La Martinette. Dans un premier temps, le nez me mène vers le bon cépage mais pas la bonne région : Cabernet Sauvignon en majorité. Mais ce n'est qu'après quelques minutes d'aération que l'assemblage se dévoile. Syrah et Mourvèdre complètent le trio pour former une bouche structurée, poivrée et dominée par les fruits rouges. Un beau vin qui soutient parfaitement le chevreuil.
Entre souvenir et gourmandise
(De gauche à droite)
Rencontre au jardin : Main de Bouddha et géranium
Au coeur des ruches de Patrick Cholet
(De gauche à droite)
Rencontre au jardin : Main de Bouddha et géranium
Au coeur des ruches de Patrick Cholet
Le trio de desserts commence avec la Main de Bouddha en salade avec gel de citron et géranium, sorbet citron et géranium et éclats de meringue. Acidité et amertume fine des agrumes, avec la pointe de sucre de la meringue.
Le second dessert, servi dans un bol en cire d'abeille, est composé d'une crème de propolis, de fromage blanc, de graines de tournesol et d'un sorbet fromage blanc et miel. Frais et puissant en saveur, tout comme le premier.
Sous une gavotte, du gel de citron, un streusel chocolat noir et une mousse chocolat noir. Mais, l'ouvrage devient périlleux avec l'ajout de chocolat chaud au guéridon et au siphon !
Avec l'arrivée de Julien Dumas, le Bellefeuille prend un sacré coup de modernité créative et nos papilles se font sacrément chahuter, au bon sens du terme. Beaucoup de parti pris et des saveurs puissantes mais qu'est-ce que c'est bon ! Il y a bien longtemps que nous n'avions été embarqués aussi loin, et ça fait du bien ! Alors, allez donc vous changer les idées, en toute sérénité, au Saint James.
François